lundi 20 avril 2020

Alarme

Lettre ouverte à tous les responsables politiques ainsi qu’aux élus et acteurs de la filière conchylicole.

Objet :
La filière ostréicole est en danger. Les stocks d’huîtres de tout âge s’accumulent, à la fois pour des raisons conjoncturelles de production, à cause de fermetures pour pollutions de l’eau d’origine humaine, mais aussi suite aux divers mouvements sociaux de ces deux dernières années qui ont interféré avec nos périodes de vente. Le cycle de production étant long (3 à 4 ans), la régulation de ces stocks est problématique et la pandémie entraînant la fermeture de nos débouchés tant localement qu’à l’export, nous place dans une situation subie de surproduction sans précédent. Sans aide adaptée à nos spécificités, de très nombreuses entreprises ostréicoles sont vouées à disparaître.


L’ensemble de la filière ostréicole française est sur le point de s’effondrer. Les problèmes de mise en marché de nos produits liés à la situation de pandémie que nous vivons sont exacerbés par les spécificités de nos cycles de production, nos circuits de distribution et notre saisonnalité.

Notre marché principal est le marché national et la moitié de nos ventes ont lieu au mois de décembre. L’autre moitié est répartie tout au long de l’année avec des temps forts et des exportations notamment vers l’Italie et les pays asiatiques.

Le cycle de production d’une huître s’étale sur 3 à 4 ans, nous avons donc en général au moins 4 générations d’huîtres sur nos parcs.

2018 et 2019 ont été marquées par un retard de croissance de nos huîtres qui a créé un décalage dans la production de juvéniles qui sont arrivées à maturité en début d’année après les ventes de noël.

Depuis deux ans, les ventes d’huîtres de fin d’année ont été impactées par les mouvements sociaux et les gilets jaunes, et fin 2019, début 2020 bon nombre de centres ostréicoles ont été fermés pour cause de pollutions humaines (norovirus) interdisant aux ostréiculteurs de vendre leurs marchandises.

Ces décalages de productions ajoutés aux méventes d’huîtres commercialisables sont dramatiques pour toute notre filière. Les stocks invendus ajoutés aux animaux arrivant à maturité plus tardivement que d’habitude sont très importants et occupent l’espace qui aurait dû être libéré pour les générations suivantes d’huîtres qui s’accumulent.

Les conséquences sont une situation de surproduction ou, tout du moins, d’une offre bien supérieure à la demande actuelle, une chute des cours et la mise en danger de nos entreprises. Avec les mesures de confinement, en France et à l’étranger, les ostréiculteurs n’ont plus de débouché alors que les huîtres en mer ne cessent de croitre (elles ne peuvent être stoppées, stockées, congelées ou transformées).

Cette accumulation de stocks d’huîtres de plusieurs classes d’âge engendre une surdensité propice à l’apparition et à la propagation des maladies et autres parasites au sein de nos cheptels. Ce risque zoosanitaire s’est déjà fait sentir l’an passé avec l’émergence d’haplosporidium et pourrait potentiellement déboucher sur une nouvelle catastrophe.

La baisse des exportations, la fermeture des marchés, des commerces et de la restauration ont porté un coup d’arrêt à nos ventes. La GMS qui pèse pour moitié des ventes d’huîtres en France a tout d’abord fermé ses rayons marée et les huîtres ne sont pas présentes dans les drives.

Les entreprises ostréicoles, déjà fragilisées par les mouvements sociaux et les fermetures de zone qui ne sont pas de leur fait, sont prises à la gorge sans perspective de retour à la normal avant plusieurs années, c'est-à-dire au moins un cycle de production, qui rappelons-le, dure 3 à 4 ans.

Les aides et dispositions pour les entreprises évoquées par le gouvernement sont une bonne chose. Cependant, ces aides ne répondent pas entièrement à nos spécificités.

Nous avons besoin de mesures fortes pour répondre à cet état d’urgence. L’une d’entre elle pourrait être de convenir avec les distributeurs et les courtiers de geler les prix d’achat aux producteurs jusqu’à la fin de l’année afin d’éviter une dramatique dépréciation des stocks. Nous leur demandons qu’ils agissent en partenaires et qu’ils soutiennent véritablement notre filière.

Afin de répondre au surstockage qui s’impose à nous, les professionnels ont besoin que les règles qui régissent les parcs de réserves, temporaires ou non, soient assouplies. Il nous faut des solutions de financement pour que nous puissions nous munir de tables et de poches pour stocker nos cheptels dans les meilleures conditions en termes de qualité et de prévention d’épizootie.

Notre syndicat demande que les Cotisations Professionnelles Obligatoires et autres redevances soient, à minima, reportées, sinon annulées, afin de soulager les entreprises.

Il faudrait ensuite préparer dès maintenant une communication importante pour qu’à la sortie du confinement les consommateurs soient au rendez-vous. Pour cela nous avons besoin de tous les soutiens régionaux et nationaux. Une coordination de communication nationale doit être mise en place avec l’abondement du CRC normand.

Au niveau normand, il faut arriver à la reconnaissance de nos coquillages (IGP) et privilégier la recherche de la qualité plutôt que de la quantité. Les fonds du CRC doivent être engagés à plein pour soutenir la mise en marché de nos produits.

Enfin, les mesures d’urgences doivent être définies en concertation avec l’ensemble des élus du CRC au minimum ou avec l’ensemble des professionnels le cas échéant. Pour cela il faut pouvoir s’assurer que l’information arrive bien jusqu’aux personnes concernées surtout si un vote est nécessaire.